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mardi 10 mars 2015

(LA JOYEUSE) TRISTESSE DES ANTHROPOPHAGES

Tristesse des anthropophages. A droite debout, Jean Rollin dégustant la "spécialité" maison

Partant d'une critique de la société de consommation (à travers l'apparition des premiers fast-foods à Paris), Jean-Denis Bonan réalise en 1966 une farce surréaliste, provocatrice et irrévérencieuse.



Interdit à tous les publics et à l'exportation (!) en janvier 1967, le court métrage Tristesse des anthropophages sera projeté en complément de programme d'un long métrage du cinéaste, pareillement inédit : LA FEMME BOURREAU (1968). En salles à partir du 11 mars 2015 (au cinéma L'Entrepôt pour Paris), distributeur LUNA PARK FILMS.

Résumé :
Un homme contraint de gagner sa vie comme "producteur" dans le dernier scato-service à la mode se souvient des événements qui l'ont mené jusque-là.






Tristesse des anthropophages
Court métrage / France / 1966 / 23' / 35mm / 1.66:1 / n&b
scénario et réalisation : Jean-Denis BONAN
Production : Jean-Denis BONAN (avec le concours de Jean ROLLIN - Les Films ABC)

Restauration : Les Archives françaises du Film.

Visa d'exploitation n° 32386 tous publics en 2014 (int. à tout public en 1967)


Image : Gérard DE BATTISTA assité de Yves GERGOFF / Photographe plateau : Gilbert GIBDOUNY / Script : Danièle CHAUCHIX / Décors : Nicolas DEVIL et Philippe DUCROS / Montage : Alain-Yves BEAUJOUR et J-D. BONAN / Assistants : Marco PAULY, Gilles MERIDOU et César POLONIO / Dessins générique : Nicolas DEVIL / Chanson : Daniel LALOUX /

Interprétation : Bernard LETROU, Nicole ROMAIN, Alain-Yves BEAUJOUR, Jean-Denis BONAN, Catherine DEVILLE, Bernard EGYPTE, Aguigui MOUNA, Jean ROLLIN...




" Un court métrage buñuelien... "
Les Inrockuptibles (Vincent Ostria)


" Elle est jubilatoire, la Tristesse des anthropophages
Deux ahuris tombent de leur arbre, mûres à point ces deux pommes pour vérifier l’information et découvrir les déjections mentales qui pèsent sur les pauvres humains. Le Christ n’a plus qu’à dégringoler du calvaire, faire à rebours son chemin de croix et retrouver le ventre de la Vierge (...)"

Jean-Pierre Bastid, écrivain et cinéaste.

" Quant au court Tristesse des anthropophages (...), il avait bel et bien été totalement interdit d’exploitation et d’exportation par la censure. Il faut dire que le sujet n’est pas piqué des ténias : Bonan critique les débuts de la restauration rapide en imaginant un self-service où l’on sert des excréments humains ! S’ensuit un flash-back mêlant résurrections, procès moyenâgeux et chansons paillardes, au fil d’une énorme farce hilarante et irrévérencieuse."

Mad Movies (Gilles Esposito)


La mauvaise réputation

En 1966, alors qu’il travaille comme monteur-image aux Actualités françaises où il nourrit d’autres ambitions, Jean-Denis Bonan produit et réalise en quatre jours son premier court métrage professionnel : Tristesse des anthropophages. Le film, une farce politique et sociale à caractère surréaliste, est remarqué par certains producteurs. Cette première œuvre – cadrée et photographiée par un Gérard de Battista âgé de 19 ans – permet à Bonan de décrocher un contrat pour la production d’un long métrage intitulé Bohran s’arrête. En janvier 1967, et contre toute attente, la Commission de censure interdit Tristesse des anthropophages à tout public et à l’exportation (*) pour “scènes érotiques extrêmement poussées et dialogues scatologiques et obscènes”. Outrepassant ses droits, l’administration interdit même au cinéaste les projections privées de son film (**). Le producteur abandonne le projet Bohran s’arrête du jeune auteur désormais classé "à haut risque”. Dès lors pour lui, les portes des professionnels se ferment (***), les scénarii soumis au CNC sont systématiquement rejetés. Le cinéaste persévère, produit (sur ses fonds) et réalise en marge du système deux autres courts métrages en 1967, puis un long métrage l’année suivante (en avril-mai 1968 à Paris !) : La Femme bourreau. Parallèlement, Jean-Denis Bonan, membre fondateur de l’A.R.C dès 1967, mène une activité de cinéaste militant au sein de ce collectif à l’origine de beaucoup de films sur mai 1968. En 1972, il fonde le collectif Cinélutte qui, entre autres, présente à Cannes en 1976 Bonne chance la France, programme regroupant trois moyens-métrages sur les luttes sociales. Exclu du cinéma commercial, Jean-Denis Bonan réalise, de 1979 à 2007, soixante films pour la télévision, principalement documentaires.

(*) À l’époque, l’État pouvait empêcher la diffusion, hors de nos frontières, d’une image de la France qu’il jugeait trop négative. Depuis 1980, les autorités délivrant le visa d’exploitation d’un film ne peuvent plus édicter la restriction à l’exportation.

(**) Bravant l’interdiction, le cinéaste et écrivain de cinéma Ado KYROU et l’exploitant-programmateur Philippe JOYEUX projettent clandestinement TRISTESSE DES ANTHROPOPHAGES à de nombreuses reprises dès 1967. En mai 1968, le court-métrage est projeté au cinéma Les 3 Luxembourg occupé par un groupe d’étudiants contestataires. Ironie de l’histoire, la notoriété souterraine du film censuré permet à Jean-Denis Bonan (à peine plus âgé que ses futurs élèves) d’enseigner à l’IDHEC (ancêtre de la FEMIS) puis d’être nommé responsable du département montage de cette grande école.

(***) Hormis celle du célèbre producteur Anatole Dauman. Il soutiendra le travail de Bonan dans lequel il décèle, selon ses termes, « une poésie authentiquement cinématographique ».